2.3 REVUE

 

 

Le moment était venu de faire un tour d'horizon de la situation, et Alia rendit compte le premier de ce qu'avait produit le feuillet 56 d'où il venait La représentation holographique d'Alia s'approchait de la mienne. Debout sur ses deux jambes filiformes mais d'une taille inférieure à celle des autres, Alia arborait un visage aussi blême que glabre. Ses yeux légèrement exorbités, aux grands iris mauves, étaient caractéristiques de sa race issue de la planète Vos. Alia fusionna dans nos esprits la représentation de son univers formé d'amas galactiques relativement homogènes. Un zoom instantané nous amena dans la nébuleuse <G12 près d'un petit groupe d'astéroïdes en orbite autour d'un quasar en extinction. Là s'était développée l'espèce Vos, seul endroit du feuillet d'univers 56 ou la vie avait dépassé le stade de l'être unicellulaire. Le zoom nous approcha encore et nous étions maintenant dans des structures tubulaires construites en titane dépoli et en verre réflecteur. Les plans des zones occupées se succédaient à pleine vitesse, et cette même architecture se répétait partout. Je reconnaissais cette planète Vos que j'avais eu l'occasion d'observer et d'étudier lors de mes périodes d'apprentissage. Les Vossiens vivaient là dans une organisation collectiviste totale orientée vers le développement systématisé d'une technologie froide. Un peu à l'image de ces insectes Terriens que sont les fourmis, les Vossiens construisaient avec une parfaite rigueur un modèle de société carcérale. Nous passions d'une unité de production à des dortoirs interminables, tout était identique mais complètement serein. Avec une régularité sans faille, les Vossiens se rendaient par groupes de 7000 dans les temples du culte où dominait l'effigie de celui que j'avais devant moi : Alia 

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La prière était sans doute le seul élément qui unissait la civilisation Vos à celles représentées par mes autres frères - fils de Dieu ; tous les autres comportements s'apparentaient à des automatismes. Alia stoppa là notre voyage dans son monde d'origine pour nous transmettre son appréciation :

-" La civilisation Vos n'a certes pas suivi une évolution qui l 'amènerait à rejoindre naturellement le Projet Final cependant, je ne blâme pas mes frères d'origine car, si la maturation spirituelle Vossienne n'a pas la capacité de franchir ce stade embryonnaire de la dévotion, un Vos n'a jamais tué son semblable. Je suis moi-même un accident du phénotype de ma race, mais je revendique en être le représentant, et je reste fier de mon espèce."

Alia baissa les yeux et effaça progressivement sa pensée des nôtres. Mes trois frères semblaient satisfaits de sa déclaration. Pour ma part, tout cela me paraissait encore hors de portée de jugement.

 

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Catewos dut ensuite défendre la cause de son espèce que je ne connaissais pas encore. Il venait de la planète Crya dans le feuillet d'univers 42. Les Drhyz n'avaient jamais voyagé dans cette angulation cosmique à cause de sa dilatation extrême ; l'effet Doppler mesuré par nos sondes y donnait une distance moyenne entre chaque tunnel d'au moins 8000 M.U., le rendant encore difficile d'accès pour notre technologie. L'image de Catewos offrait un aspect plus massif que celui d'Alia. Ses deux jambes étaient plus courtes, mais son torse puissant et droit rattrapait leur taille. Sa grosse tête chauve s'éclairait étonnamment par de beaux yeux aux pupilles argentées. Catewos sourît et enveloppa nos esprits de sa pensée. Nous vîmes la grande galaxie Trza et ses étoiles lourdes ; l'angle 42 était à l'image de Catewos : large. Nous nous arrêtâmes sur une planète gigantesque d'une masse bien supérieure à celle de notre étoile WOLF. Une atmosphère de gaz violet filtrait les radiations infrarouges du pulsar qui la réchauffait. Le relief de Crya était particulièrement mouvementé et ses agglomérations urbaines construites en marches d'escaliers sur les flancs des puissants massifs montagneux. Une végétation luxuriante, rappelant celle des forêts équatoriales terrestres, recouvrait la quasi-totalité du sol, et, de l'unique océan qui baignait les deux tiers de la planète, émergeaient d'extraordinaires arbres dont les lianes s'enchevêtraient. Ce paysage me marqua d'une impression nouvelle, moi qui étais habitué aux vallées en pente douce à dimension Drhyzienne. Catewos nous entraîna avec un zoom plongeant dans une des plus grandes villes, accrochée sur la montagne Sacrée. Les habitations pentagonales Cryennes étaient disposées en quinconce sur chaque palier artificiel et quelques bouées de transport animaient un ciel pastel exempt de nuages. La vie semblait s'écouler tranquillement mais Catewos nous conduisit dans le bâtiment central d'un groupe de maisons. Une femme Cryenne agenouillée assistait dans le plus profond désarroi au sacrifice de son dernier-né. L'enfant fut pulvérisé par le rayon sorti des armes des soldats restricteurs puis ils s'en allèrent simplement. Catewos donna la raison de ce drame en nous transportant temporellement au moment de sa vie sur Crya. Nous le vîmes au sommet de la montagne Sacrée; Une foule invraisemblable venait assister à son élévation dans le royaume des cieux. Catewos annonça que la grâce divine réaliserait la grande Unification lorsque le Créateur aurait ses cinq enfants puis Il se volatilisa dans une gerbe de feu étincelante. Ensuite apparut le visage de ce Cryen qui se proclamait " Prophète des cinq enfants divins ". Les maisons furent alors construites par groupes de cinq selon la nouvelle loi du prophète. Désormais, chaque famille Cryen devait engendrer cinq enfants ; si elle n'y parvenait pas, tous étaient exécutés. Si un sixième nouveau-né arrivait, il était sacrifié.

 

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Catewos dégagea nos esprits du sien, et parla à son tour à nos intelligences :

-" Mes anciens frères Cryens vivaient sans violence avant mon ascension sur la montagne Sacrée. Certes, l'évolution de l'espèce ne pouvait la diriger vers le Projet ; comme Alia je ne suis qu'un accident génétique. Les Cryens s 'entre-tuent aujourd'hui au nom de notre Initiateur, et j'en suis grandement responsable : ils n'étaient pas faits pour connaître l'issue dont Dieu m'avait informé. Je suis coupable du calvaire de cette femme Cryenne, et des souffrances que les autres subissent par ma faute."

Les grands yeux de Catewos brillaient du reflet de ses larmes, et des gouttes de son sang coulaient maintenant sur son visage Mes frères Héxié, Jésus, Alia et moi le regardions sans savoir que dire quand notre attention fut alors à nouveau captée par l'épicentre du cercle que nous formions et, Dieu parla :

" Non, Catewos, le responsable ne peut être que celui qui fut à l ' Initiative, et c'est bien moi. Le bien ou le mal perd son sens quand la direction est juste. Celui qui se prétend prophète sur Crya montre le mauvais chemin à ton espèce mais il est le produit de mes propres erreurs. Héxié vous en montrera d'autres qui affligent sa civilisation, quant à Jésus.

Dieu se tut, préférant appliquer le principe " une image vaut mille mots ", il projeta des photos apocalyptiques de la planète Terre, salissant la douce lumière dans laquelle nous baignions. Nous nous retrouvâmes aux abords d'une ville en ruines, près d'un abri de béton éventré ; des corps d'hommes et d'enfants mutilés débordaient d'un charnier devant leurs semblables en pleurs. Trois militaires à l'épaisse chevelure noire brandissaient sous un soleil de plomb des armes à balles métalliques en vociférant :

" Allah anéantira le Satan américain, Allah Akbar."

Les scènes qui suivaient à toute allure n'étaient pas plus belles. Des hommes au teint ocre et aux yeux bridés jetaient les cadavres de leurs semblables dans des fosses creusées dans le sol. Puis nous vîmes une foule immense d'hommes, de femmes et d'enfants très amaigris que des soldats bizarrement casqués menaient dans des bâtiments d'incinération sur lesquels était inscrit : " Gott mit uns ". Ensuite des Images d ' hommes à la peau pigmentée, pourchassés par des blancs hargneux, me bouleversèrent. Des équipes de Drhyz avaient rapporté de nombreuses informations sur les humains après plusieurs expéditions sur Terre temps Teta4/2 mais Je n'avais pu imaginer une telle sauvagerie chez cette espèce. Jésus baissait les yeux, il portait lui-même, sur ses paumes et sur son front les stigmates de la cruauté de ses frères. Nous étions tous consternés. Alors, la source divine m'informa de la tâche que je devais accomplir.

 

 

la suite

 

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